MONICA
un film de voyage D’Enrico Mandirola ,
le poème d’un impossible récit , aux images frustes , émouvantes de fragilité comme la pauvreté du monde
Elles sont inscrites avec une attention extrême à ce premier regard où se donne le réel le plus sensible : la première peau des choses et l’image première en un même écho ,
arte povera d’une image brute et délicate , poésie de la moindre des choses : un village perdu , une fanfare , la nuque d’un cheval qui va sur la poussière du chemin…
noir charbon , blanc soleil , d’une terre d’ombre et lumière ,
d’un peuple des rues ,infimes humains oubliés des dieux d’un quelque part lointain , infiniment lointain ,
des images précaires et qui entendent le rester,
le monde est pauvre et le cinéaste aussi , et c’est la beauté de ce film , ce regard partisan , solidaire , où vibre l’écho du même dans le langage de l’artiste ,
précieuse beauté , en ces temps de rodomontades technologiques institutionnelles .
la moindre des choses .
Tout le travail de la deuxième génération d’images est d’en contempler et d’en respecter scrupuleusement leurs traces en fuite , ce qu’elles deviennent de vestige , déjà usées griffées, rayées,
empreintes violentes qui se dérobent , en lambeaux ,
des images de derrière les paupières fermées , songerie du regard qui se souvient , et rêve d’exil ,
une voix , celle du voyageur ensommeillé , étendu sur un lit , de retour..
parle d’une tache sur un mur « une incrustation , une forme , une cicatrice » a côté du portrait de Monica dont on ne saura rien ,
la peau des murs où s’écorchent nos regards,
celle « d’Allemagne année zéro » , celle « d’Accatone »…
une cicatrice , l’image ,
de quelle blessure du monde ?
Un film de passage ,
vision d’un monde qui s’enfuit , s’échappe ,
entre désir de mémoire et oubli en chemin
entre les langues abruptement écorchées , italien , français;
entre partir et revenir , sombre une mémoire passante que le retour efface .
pas de récit possible ,
et la voix rêve d’exil.
Le vestige mélancolique de ce que l’on a vu , de ce que l’on aurait pu écrire en appelle à un départ sans retour , sur les chemins du monde .
n’y aurait-il de lieu et de récit que d’aller les chemins ?
MR
2006