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été

1991  bande son
 
La ville s'enlise dans une masse de chaleur

 plus lourde . chaque jour
 
La ville gonfle . La ville enfle
 
La rumeur retombe . Etouffe comme un sable.

chaque pas coûte la vie .

Une haine sèche .

I1 prend le train de nuit qui descend vers sud .

il s'arrête aux dernières montagnes avant La plaine .
 
il y a a un lac . immobile au fond d'une vallée étroite.
 
Il reste là . des jours . pris d'une torpeur . épaisse
 

Un soleil toxique se Rue sur la montagne .
 
La chaleur assourdissante .

IL tourne .

Les feuillages suintent une vapeur d'asphyxie . un poison insidieux . acide
 
 l'été s'envenime comme une mauvaise plaie .

IL marche .
Les pierres pourrissent . Les pierres s'effritent sous les pas .

Le lac glacé

d 'argent nocturne . est figé . Les eaux scellées sont dures à brasser

fades.
 
elles ont le goût du fer . Le goût du sang .

le soir , un venu léger se lève Ephémère . d'une o douceur étrange .
 
c 'est un souffle venu d'ailleurs .Aussitôt venu a aussitôt tari ,

il annonce la nuit .

Une respiration Pure . unique .
 
les arbres âmes de velours

11 marche . a midi . au bord des routes .

une fixité sans éclat s'étale sur les choses.
 
Le temps ge renverse alors. Le jour se retourne .
 
c'est une mort qui s'ébranle.

La fin du jour se joue . là. A midi . A cette heure indéchiffrable .

La fin du jour . la fin des choses .


I1 y a des abimes d ' arbres

Le pré est escarpé . pris par les bois .

La lumière droite sur le pré terni .

Quelle malédiction . 1à debout . au milieu . on pourrait, mourir .

Ecrasé . Par on ne sait quelle force inouïe . En plein midi .
 
Le poids de plomb sans éclat du soleil .

cela avait été possible .cela était arrivé . I1 y aurait eu longtemps .
 
pour toujours .
 
La silence bouche l 'air . se vautre

Au raz des terres . comme une boue .
 
Rampe entre les arbres .
 

pour toujours .



 
La silence bouche l 'air . se vautre

Au raz des terres . comme une boue .
 
Rampe entre les arbres .
 
Les buses a tournent dans le ciel . sans geste . Emportées .
 
  oiseaux de pierre

 


 
Un matin . la pluie . Le ciel roule sur la terre comme une mer inversée ,
 
Le lac a disparu dans la brume .




 
 il part .



 
il est arrêté . plus loin . Chez Jamais
 
dans une ile au milieu du fleuve .
 
 
 
 
il a l'allure d'un jeune dieu . Un visage de vieillard .

I1 cultive ses terres distrait . l'ombre d'un père mort .
 
subtile . infime . Le hante .



 
il habite seul . une maison de maitre .
 
ancienne immuable



Les volets sont fermés . Tout l'été .Il règne un froid de marbre .
 
 
on ne fait rien . Un désœuvrement parfait .

on erre . dans ombre .
 

 

 
 

 
il attend une lettre . qui ne vient pas

il l'imagine brève et ample .
 

 

  il a trouvé un air .

  il écoute . des jours.

  il attend.

  il s'élance . il est ivre .

  il tourne dans la maison obscure .

  il est léger. il est frivole .

  i] chante .


dehors .la lumière frappe . la terre toujours plus acre . la vine et les blés
 
sont arrachés . les tournesols sont des insectes trop gras , qui courbent, leurs
 
tètes noires vers la poussière .

Le fleuve n'apporte aucune eau . c'est un fleuve de pierre . de très ancien

granit.
 
 on ne L'entend pas . on ne le Sent pas . dans son étau i] étreint un désert.

 

  il écrit . il envoie des mots à des gens
 
improbables . il fais rassemble , il les compte , il les met autour de lui.

c'est un rêve dérisoire.
 
il sème au hasard des mots sublimes et mièvres . pour que rien ne se perde
 
de son désir. co mme si leur lecture sans importance pouvait Être un
 
écho silencieux . leur absence de réponse un signe de vie .


  Le plus précieux
 
  celui qui le sauverait du carnage .
 
Il attend . puis .ça lui est égal .
 
Il sort à midi . il marche .




Le long de la route droite qui va au bout de l'ile .

où le fleuve réunit ses deux bras .

Il arrive . sur une étrave de terre étroite . usée .
 
il Y a des arbres maigres . d'un vert trop clair . clairsemés . jusqu'à l'eau.




il voit le fleuve . Il voit une brutalité . Innommable .




Les eaux étaient altérées d'acier .

Elles allaient d'une seule masse .
 
Sans aucun signe d'écoulement.

dans une lenteur de cataclysme .






oscille . s'écarte . Un pont de béton blanc . va à la rive droite .

s'encastre . Loin. dans un pan . vertical. de montagne abrupte . Grise .
 
une route . Etroite . Longe la rive . Tassée dans l'ombre noire . entre .
-

fleuve . et. montagne.


 

il avance . Sur le pont . la terreur abattue . Le fige .




 
il fut . lentement broyé . Entre le ciel vide comme un mur . Et l'abîme
 
meurtrier du fleuve qui se dérobait invisiblement à ses pieds. là.au

milieu du pont . A cette unique et juste place . Il sut . Qu'il était à
 
ce point exact où s'effondre l'univers . à ce centre précis d'où tout

cauchemar s'ébranle.





Il rebrousse chemin .pas à pas . Un effort . aveugle .
 


 
 

  il attend.
 
  muré.
 
  il oublie.
 
  fertile
 
  gouffre




il est en aout dans la plaine . Prés de la mer .Au bord Dun village de
 
vigne.
 
Ici . Les après midi sont un Éblouissement sans faille .

Ici les gens sont un peuple .

Le soir . ils sortent . Ils prennent l frais . Sur la place noire .
 
ces pêcheurs droits dans leurs barques . Plus loin .

Ils regardent les enfants qui Jouent . Ils surveillent le ciel.. S'inquiètent
 
du temps .

ils pensent à leurs vignes .

 
Quand ils meurent . Ils s'y font enterrer. dans des tombeaux de pierre .

aux toits de tuiles . Des tombeaux qui ressemblent à des maisons .

A l'ombre de quatre cyprès noirs


 

La plaine des vignes tourne .

 Elle est lumineuse . Elle est rêche .

 
elle résiste .
 
La plaine des vignes tourne .

 
Elle est lumineuse . Elle est rêche .

 
elle résiste .

 

Il vit là. Les jours les plus chauds de l'Été .


 Un vent se lève . Qui donne la fièvre .Une fièvre sèche . Qui assoiffe .
 
il souffre . d'un ennui nerveux .....il y a une stridence continue de l'air .

une limpidité fixe . une haute fréquence

traversé de terreurs aigues


 
Sans objet . sans recours


 
Les fenêtres trop hautes . ouvrent sur le ciel Pur .

 
Les murs luisent un réveil cogne




 midi . Le flot de 1a lumière droite . Sur les choses , Qu' est ce qu'elles


disent les choses Sans arrêt sans respirer. Un cri vide .


et gris . long désert de tout


A cette heure


ils disent . A la rage du soleil .


C'est une enfant violente . Les cheveux blonds , très blonds . La
 
peau brune . Elle court sut la plage tout l'été , avec les autres

enfants . elle ne parle pas . Pourtant eI1e parle bien .
 
avec une maturité étrange .

Elie ne demande rien .

quelque fois , e11e vient quand je regarde la mer . Je ne l'entends pas .

Elie glisse sa main dans la mienne . Elle attend . Elle attend que je

tourne la tête . Alors , elle dit : " viens me faire sauter les vagues ".

Cette gravité délicate .
 
Alors , nous allons sauter les vagues .

Nous parlons .

Un jour , elle est submergée.

Elle dit " quel drame , Quel drame "
 
et puis :" c'est quoi drame ? "


drame c'est le théâtre . C'est triste . Le contraire , c'est comédie . C'est
 
pareil . 0n rit "
 
Elle parodie des rires . Elle dit : " ça gueule la comédie ". Elle hausse

1es épaules .

IIe part avec les autres enfants .
 
Ils jouent aux naufragés . ILS s'assirent dans une vieille barque échouée dans

les dunes .

Ce serait la tempête . Ils crient . Ils tanguent . Ils s'abandonnent au
 
bateau rebelle . Ils sont perdus . Un par un ils se noient . Le jeu dure

longtemps jusqu' 'à ce que tout le monde soit noyé. Ensuite ils vont gouter.
 
E1le croit que je peux manger une maison Entière , ou un vélo . Pas
 
en chocolat , en vrai , pourquoi?
 
Un jour , elle exige une orangeade . Elle veut être servi tout de suite ,

comme la reine . Alors , je la sers . El1e est sans triomphe . Après elle

me fait asseoir . Elle confectionne un gâteau de sable . qu' 'elle me sert
 
à son tour . avec précaution .

E1le dit qu'elle veut s'en aller. Habiter une autre maison . Seule . Elle
 
demande à partir de quel âge elle pourra s'en aller.
 
Elie joue à la guerre .
 
dans les rochers . Elle a des soldats . toute une armée qui meurt et qui

renait , et puis qui meurt encore . Et la mer efface les traces

 

 

la mer efface tout . elle efface. sans cesse . elle efface...
 
il fait beau . 11 fait très beau
 
il y a une brume légère ...très légère . iut le temps ..

11 n 'y a pas de vent . c'est un été doux . sans un souffle ...
 
on ne sent rien .. les choses vous frôlent ...

Elles passent .. elles coulent lentement . Elles vont se noyer très

la mer efface tout . elle efface. sans cesse . elle efface...
 
il fait beau . 11 fait très beau
 
il y a une brume légère ...très légère . iut le temps ..

11 n 'y a pas de vent . c'est un été doux . sans un souffle ...
 
on ne sent rien .. les choses vous frôlent ...

Elles passent .. elles coulent lentement . Elles vont se noyer très loin

vers le calme ..

on ne sait pas ce qui arrive .. on ne sait pas ..
 
on ne retient rien.. on regarde au fond de soi et II n 'y a rien..

une désolation très fine .. peut être . . . une boue légère ..
 
on est un peu perdu ... . on est un peu perdu..

L'enfant bouge . Je la vois . E1le n' est jamais loin .

E1le court . Elle crie . 0u alors eI1e est arrêtée . Elle est

absorbée . Elle parle à ses soldats à mi-voix .

volubile . inaudible . Elle fait des petits gestes vifs . Puis elle court

à nouveau . Elle s'en va .

II fait si chaud . La brume vibre doucement ... le regard se brouille.....
 
la met a des reflets sales..

11 est au sud . C'est la fin de l'été . Ici , c' est chez lui , une

banlieue de la mer . Elle s'étire . Le long de la Route .

il habite la maison familia1e . il n'y a personne . Le jardin est brûlé

un chat blanc s'est installé sous les lauriers roses.
 
LSD mistral . Brûlant . Souffle Jour Et nuit .

le vent blanc de meurtre . Le maitre . de IA lumière parfaite .

!a transparence par delà l'aigu. par delà l'éblouissement. Rien n'est
 
possible . Aucun calme . Aucune exaspération .Seule l'abstraction tendue des

choses .
 
de sa chambre . au travers de la moustiquaire verdâtre . I1 voit l'usine .
 
écrit Sur 1a façade ocre . en lettres blanches . Fleur de soufre.
 
soufre sublimé . soufre trituré . Depuis toujours .
 
En contre bas . La route. Un fleuve infini de voitures . Tout l'été

A six heures . Le soir . LSST vieux sortent Leurs chaises.

Ils s'assirent . sur le seuil de leurs portes . au bord du trottoir .
 
Ils regardent le fleuve . En silence . Avant . A cette même heure , ils
 
allaient voir la met . debout . habillés de noir .
 
Immobiles et sans rêve .





I1 attend

11. attend






Une haine folle. cette chose qui vit seule
 
agrippée à sa chair
 
comme un enfant qui voudrait qu'on le porte
 
cette chose . Qui s'accroche . Il la repousse . Qui se pend . E1le reste.

il la repousse. Elle dure .



 

Chaque instant . déracine . pétrifié . le . déracine .

chaque instant répété . identique

indéfiniment arraché .

d'un temps

toujours identique infime chaos

chaque instant répété identique

 


délivré

 
toujours le même rêve

de délivrance


toujours le même se brise Et revient

Il a peur

 



la peur le sauve d'un possible chagrin



de la tristesse


la douceur

incessante


pire que la mort


l'esprit s'y nitrait



  sans limite


jusqu'à la mort même noyée
 
 délivré

 
toujours le même rêve

de délivrance

toujours le même se brise Et revient

Il a peur

 la peur le sauve d'un possible chagrin

de la tristesse

la douceur

incessante

pire que la mort


l'esprit s'y noitrait

  sans limite

jusqu'à la mort même noyée


il a peur.

il va. à la mer . à midi.
 
on y va pied . Par une large route claire .aux graviers gris.
 
elle longe la raffinerie de pétrole
 
cargo rouillé
elle traverse l'étang droit
il est seul 
Le mistral gifle
bleu le sable la mer brûle
assis sous le soleil droit
a brûlure glace blanche
l' air vibre
le sable griffe
des heures des heures strictes
bleu tranché des terres
l'instant vient foudroyé du carnage 
la haine agrippe la nuque
raidit
le visage lisse
I1 sourit
sans savoir vitre lisse
le regard tend strident s'aveugle
il devient ciel vide
dur
infini
ciel
arraché
délié
indolore
par delà transparent
l' instant ébloui  p
bientôt rien
plus rien la peur
il s'amenuise 
à l'extrême
jusqu'a son être le Plus net 
irréductible
grain sable
plus tard
plus tard le poids
Il ne la voit plus
Il ne la Pense plus
I1
tente
le geste retombe
le poids
absolu
le sentiment en poussière
par delà l'oubli
fertile
un souffle
une respiration. pure.