Bio Filmo Istambul Textes Utopies Images  
               
               
    UTOPIES      
  Le cinéma abandonné , comme vieux monde ,
il y aurait le vieux et le neuf . Il y a le vieux et le neuf , le mal et le bien,
les pauvres et les riches ..etc..
Le cinéma abandonné comme usines , terres et chemins , mines , salines , et voies ferrées , pays , paysages et visages .
Les outils abandonnés , détruits , cassés , fourgués , bric à brac , foire à tout , rue , décharges - des caméras , des projecteurs , des visionneuses , des labos entiers ,
et pelloche en vrac de tous les ages .
Le langage abandonné comme on le dit d’un jardin , derrière le clip bouclé de l’immédiateté ; quelques simulacres , quelques maquillages dans les quartiers chics , pour faire comme de si .. nostalgies et belles manières , Alibis pour : argent , renommée , succès etc..
Sinon rien. L’hiver de l’image .l’hiver de l’hiver .
Rien mondial au monde . Les codes mpeg2 - authoring . terminé . bouclé .
On peut plus sortir , et le ménage est fait . propre .
La fin de l’histoire comme dit l’autre . Tout effacé . bien récuré .
Page blanche du fric partout sans odeur .
Tout bien néttoyé , ça y est , c’est fait.

Le temps détruit pour une éternité de fric .

Reste le jardin abandonné . Peut être il se repose juste .

Les outils balancés, bazardés , pas tout rouillés . ils sont là . Ils se trouvent.
On peut les prendre . jetés à la rue , pour les pauvres tiens ! s’ils veulent ;
les pauvres , ils veulent , ils prennent . Ils aiment , ils savent : réparer , restaurer, fabriquer , inventer pour les machines abandonnées .Ils ont pas oublié le langage ,les noms : filmer , refilmer , extraire , sasser , transcrire , lumières
et temps , miroirs, papiers , lentilles , diaphragme et vitesses , allures et distances , sels dissous , sels cramés , magnétique , son magnétique , il faut du souffle , 6.25 . double perf. Double bande , c’est mieux , plus de souffle , ou alors rien , silence
spirale . Projeter la tête en bas les pieds en haut , pour avoir l’homme debout .

Miroir

La croix de malte , et la lanterne .

Le faisceau lumineux .

Salle noire , page blanche.

Ils ont pas oubliés les noms , parce qu’ils ont pas oublié les mains , les fils des ouvriers morts et des métiers morts . négatives et positives .
Les vieilles machines archaïques , qui parlent , marquent , griffent , tracent , les vieilles machines de lumières et de temps , on les prend , on les fait marcher , comme on prend les machines à laver , les vieilles chaises , les cuisinières cassées et les télés dans la rue , pareil , avec une exaltation bohémienne .


La terre abandonnée , devenue sauvage ,
se reposant ,
les outils trouvés , devenus sauvages ,
et on va les garder sauvages ;
l’empreinte , la griffure , la trace , la marque , et la lumière et le temps par dessus le marché ,
le scandale du geste dans le vide des codes .
On fera des films comme on balance des cailloux : ceux du petit poucet ,
pour tracer des chemins,
ceux de l’intifada , dans la gueule , pour sauver sa vie .
Comme les sables du désert , grains de sables dans les rouages , grains de sucre dans le réservoir,
et des films comme les fleurs d’une nuit , éphémères , sitôt écloses , sitôt disparues , pas vu pas pris ,
et on leur fourguera rien.


Un art certain du document : l’enfance de l’Art dans la guerre ,
des cailloux dans la gueule , des envols de poussière dans l’air conditionné , cerfs volants et papillons dans des cieux que l’on prenait déjà pour l’écran d’internet ,
des griffures et des traces sales sur le blanc de l’ordre .
Des films sans papiers , sans titres , imprenables , invendables .
Résistants comme les cyprés et les genevriers des Causses
puissants comme le vent du désert.
On les projettera dehors , sur les murs debouts , sur les pierres des montagnes , sur les feuilles des arbres , et les nuages du ciel.
Sur les fleurs
Juste pour quelques uns : chats , chiens , humains , ou pour personne et pour rien.
Nous serons des tribus de filmeurs , de la ville et des champs.
Comme bandits de grands chemins , scribes , arpenteurs , alchimistes , calligraphes , navigateurs , chercheurs d’or archéologues ..
Invisibles , anonymes , clandestins des ténèbres et du soleil,
résistants sans programme ,
entre la guerre et l’air du temps ,
l’enfance de l’Art
L’affirmation du signe et son envol,
apparitions et disparitions souveraines,
des filmeurs qui font des films comme il pleut ou il fait soleil ,
comme les arbres font à l’automne des feuilles d’or , pareil.
Le scandale de la respiration dans l’asphyxie du monde .
Dans la grotte , mains positives , mains négatives , pareil.
Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’arbres , alors , il n’y aura plus de filmeurs


M.Rousset
2001/2006